Gidéon Lévy : L’horreur de l’occupation va bien au-delà des colonies

4 July 2014

Tout citoyen honnête, en Israël et dans le monde, doit combattre toutes les horreurs de l’occupation israélienne – qui ont peu à voir avec la construction en Cisjordanie

 Par Gideon Lévy, Haaretz, 8 juin 2014


Palestiniens sur le chemin du travail en Israël au checkpoint de Tarkoumia
 

Nouvelle offensive israélienne de « Prix à payer » : 1 500 logements supplémentaires ont été annoncés en représailles à la création d’un gouvernement palestinien d’unité.

Il y a bien longtemps que le masque a été arraché et Israël ne cherche plus à cacher que les colonies ne sont rien d’autre qu’une punition. Mais là n’est pas la vraie punition. La vraie punition c’est la tyrannie perpétuelle. Les colonies donnent la mesure des intentions d’Israël ; elles ont été construites pour pérenniser le statu quo et détruire toute chance d’accord. La punition réelle réside dans les souffrances insupportables de l’occupation, qui, de fait, font moins parler d’elles.

Il faut arrêter de parler des colonies. Il y a bien longtemps que le nombre de colons a atteint un seuil critique qui rend la situation irréversible. 1 500 logements de plus ne vont pas changer grand chose. Leur construction prouve simplement qu’Israël entend poursuivre ses efforts de colonisation, mais les logements eux-mêmes ne sont pas le fond du problème. Le vrai problème c’est le régime totalitaire qui règne sur la Cisjordanie. C’est le plus gros problème pour les Palestiniens aussi bien que pour les Israéliens puisque leur nation est devenue une fausse démocratie.

S’il est vrai que sans les colonies l’occupation aurait pris fin, à l’instar de ce qui s’est passé dans l’occupation du sud Liban, il est tout aussi vrai que s’il y avait beaucoup moins de colons, comme dans la bande de Gaza, Israël aurait peut-être pu se désengager de Cisjordanie. Mais Gaza a prouvé que le désengagement ne suffit pas à apporter la justice : Gaza est devenue une prison et plus personne ne parle du sort des prisonniers.

Arrêter la construction des colonies, qui a représenté le plus gros effort sioniste depuis la création d’Israël, serait un geste de bonne volonté. Mais, sans une évacuation totale des colonies (ce qui est totalement irréaliste) et la création d’un gouvernement juste en Cisjordanie, la situation, au fond ne changera pas.

C’est pourquoi l’opposition internationale ne doit pas se concentrer sur les colonies de Cisjordanie mais plutôt se préoccuper de la façon dont elles sont gérées. La communauté internationale devrait se concentrer sur le fait qu’il y a ici deux peuples, l’un qui a tous les droits et l’autre qui n’en a aucun sauf celui de subir l’occupation. Arrêtez de condamner Israël pour chaque nouveau logement ou nouvelle caravane. Israël devrait être condamné et puni pour le fait de rendre la vie insupportable sous l’occupation, pour le fait qu’un pays qui prétend être parmi les nations éclairées continue à maltraiter un peuple entier, nuit et jour.

Parlez des pécheurs de Gaza sans secours quand on leur tire dessus depuis des bateaux de guerre ; parlez des enfants brutalement arrêtés en pleine nuit ; parlez des innombrables détentions sans procès, des familles déchirées entre Gaza et la Cisjordanie, entre Jérusalem et Ramallah. Parlez du doigt israélien qui effleure la gâchette ; parlez des tribunaux discriminatoires, de la dépossession quotidienne, des démolitions de maisons et de la destruction de villages ; parlez des pâturages transformés en champs de tir juste pour décourager les habitants et les expulser ; parlez des soldats qui tirent par ennui et des officiers de police qui procèdent à des arrestations juste parce qu’ils peuvent le faire.

Parlez de l’apartheid inhérent à la Cisjordanie et de l’avenir terrible qui se profile pour tout enfant palestinien cherchant à construire sa vie, ou juste à aller à la plage, même si elle est proche de chez lui. Parlez des Gazaouis qui ne peuvent pas exporter leurs marchandises ni aller où que ce soit – pas étudier, pas aller à l’hôpital, pas rendre visite à des membres de leur famille ni travailler en dehors de leur prison, la plus grande du monde. Parlez des milliers de prisonniers, dont certains sont des prisonniers politiques, qui sont confrontés à une discrimination inhumaine par rapport à leurs semblables juifs. Parlez de la bureaucratie de l’occupation qui est une autre méthode de maltraitance. Parlez des checkpoints et des injustices accablantes. Parlez des horreurs de l’occupation.

Tous ces éléments sont sans commune mesure avec quelques centaines de logements de plus dans les colonies. Tout citoyen qui se respecte, en Israël et dans le monde, devrait combattre ces agissements. On n’entend pas assez de tels combats.