En réaction à l'article Manger made in Quebec, une utopie ?
La voie de la sensibilisation

Opinion

En réaction à l'article Manger made in Quebec, une utopie ? - La voie de la sensibilisation

Annie Boudreault,

Le Devoir
Édition du mercredi 22 août 2007

La problématique de l'alimentation au Québec pourrait être traitée autrement qu'en cherchant des coupables, notamment par la voie de la sensibilisation et du sens commun.

En saison froide, la majorité des Québécois préfèrent les repas chauds, cuits et plus riches (plus caloriques). Nul besoin alors de n'avoir que des fruits et légumes frais pour les préparer. Il est d'ailleurs préférable d'opter pour les fruits et légumes surgelés puisqu'ils contiennent plus de vitamines que les produits «frais» importés. Bref, la majorité des mets consommés au Québec en saison froide pourraient être composés presque exclusivement d'ingrédients québécois.

Contrairement aux propos de M. Lemasson cités par le journaliste Fabien Deglise, nul besoin d'avoir beaucoup d'imagination pour combler les besoins des Québécois en aliments du Québec pendant la saison froide. Produire davantage de surgelés réglerait presque entièrement le problème. Et puis, s'il est possible de produire de la laitue hydroponique et des tomates de serre, nous sommes bien capables d'améliorer la variété de l'offre si la demande y est! Le «gros bon sens» serait de s'en tenir seulement à l'importation des aliments qui ne poussent pas chez nous.

Dans nos épiceries, nous retrouvons l'une des plus grandes absurdités: la présence de conserves et de surgelés d'aliments importés qui peuvent pousser chez nous. Outre l'argument des prix, nous ne pouvons les justifier. De plus, la majorité de ces aliments proviennent de pays où il y a beaucoup plus de gens qui souffrent de malnutrition que le nombre total d'habitants qui résident au Canada.

Aujourd'hui, notre avenir dépend du développement durable, concept encore peu connu et mal compris au Québec. Il peut se résumer en disant qu'afin de protéger l'environnement, il est nécessaire de tenir compte également des enjeux économiques et sociaux. En effet, comment donner envie à nos citoyens de faire leur part pour l'environnement à des coûts plus élevés et comment demander à des pays où la majorité des gens n'ont ni électricité ni eau courante de se soucier de l'environnement? Le développement durable est d'abord une responsabilité de pays riches et sa pierre angulaire est l'être humain. Il est important d'appliquer les principes du développement durable chez nous avant de demander aux autres de le faire chez eux.

Bien entendu, lorsque nous encourageons les pays pauvres à produire des fruits, des légumes et du bétail sans respect de l'environnement et sans égard à la durabilité, nous contribuons à la réduction de la capacité qu'a la terre de nourrir une population mondiale en croissance. Nous favorisons la disparition définitive d'espèces animales, végétales et finalement, de l'espèce humaine.

Il est souhaitable et nécessaire de mondialiser le respect de normes élémentaires d'hygiène, de salubrité, de sécurité au travail, de dignité humaine et de protection de l'environnement. Cela aurait pour effet d'améliorer les perspectives d'avenir de l'humanité tout en corrigeant certaines inégalités de prix, rendant éventuellement les produits québécois plus concurrentiels. Si certains pays n'ont pas les moyens financiers de se conformer à ces exigences de base, ceux qui se sont enrichis à leurs dépens ont ces moyens. Seule la volonté n'y est pas. Il faudra que l'on comprenne rapidement que l'argent ne se mange pas. Assurons-nous que la Terre soit toujours capable de bien nous nourrir et nous permettre de maintenir une bonne santé.

Transport superflu

Peu de gens savent que la circonférence de la Terre correspond à environ 40 000 km. Nombreux sont ceux qui ont commencé ou envisagent de faire l'effort de réduire leurs déplacements en automobile au profit du transport en commun, du vélo ou des bonnes chaussures, le tout pour la santé de la planète. Or, combien connaissent la distance parcourue par les aliments qui se retrouvent dans leur panier d'épicerie? Peu savent combien de fois leur panier a fait le tour de la Terre. Il est très facile et courant de parcourir avec son épicerie plusieurs centaines de milliers de kilomètres de transport polluant et superflu et ce, chaque semaine! Il est clair qu'en achetant localement, nous avons considérablement plus d'impact sur l'environnement qu'en troquant son VUS pour un vélo!

Nous connaissons tous l'histoire des cigarettes. Autrefois, très peu de gens connaissaient la vérité à propos du tabac. À partir du moment où la vérité a été révélée publiquement, plusieurs fumeurs ont arrêté de fumer, mais pas tous. Par la suite, une loi a exigé l'inscription sur les paquets de cigarettes des avertissements relatifs aux risques encourus pour la santé. Cette initiative a eu un impact relativement peu efficace. Finalement, une autre loi interdit maintenant de fumer dans les lieux publics. Ce dernier effort a aidé quelques fumeurs additionnels à arrêter de fumer alors que d'autres cherchent simplement à contourner la loi.

Les lois peuvent aider, mais elles ne régleront pas tous nos problèmes. La pierre angulaire du développement durable restera toujours l'être humain et la reconnaissance de sa juste valeur. Avec tous les meilleurs arguments du monde et les plus costauds plans d'action, attendons-nous à des résultats similaires à ceux obtenus avec les cigarettes. Il importe de se sortir de l'individualisme et de se rapprocher les uns des autres.

S'adresser au coeur, aux tripes, au sens profond des valeurs, au besoin de plaisir et à la quête du bonheur de chacun les invite à écouter et à s'intéresser. Depuis longtemps, nous souhaitons à nos proches et amis «santé, bonheur et prospérité». Aujourd'hui, notre santé est menacée par les pesticides, la pollution, l'appauvrissement des sols, etc. Notre prospérité est menacée par notre façon de gérer les ressources de la terre. Et notre bonheur est menacé par notre attitude individualiste et déconnectée de soi et des autres.

Afin de contribuer à l'accélération des applications du développement durable, j'ai pris l'initiative de créer le blogue http://passezlemotbio.blogue.ca. Il s'agit d'un coup de pouce à nos héros du bio.

Derrière nos fruits et légumes, il y a quelqu'un qui s'est levé le matin pour s'occuper du champ dans lequel ils ont poussé. Derrière le lait et la viande que l'on consomme, il y a un animal qui a vécu et qui a reçu les soins de quelqu'un. Le bio, c'est l'avenir, mais présentement, il n'est ni payant, ni facile pour la majorité des agriculteurs bio de chez nous. Ces gens méritent toute votre attention, votre respect et votre soutien. Aidez-les à vous aider car ils contribuent avec passion et conviction à l'avenir environnemental et économique du Québec. Vos santé, bonheur et prospérité en dépendent.

Ouvrons-nous les yeux et regardons plus loin que le bout de notre rabais... euh, de notre nez!