UN LIVRE DE BIZ

bizz

La voix des intimidés

SARAH-MAUDE LEFEBVRE

23/08/2011

biz
Le rappeur Biz
espère que ce nouveau roman de fiction
aidera les parents à mieux connaître
la réalité de leurs adolescents.

«Parce que les parents ne veulent rien voir», le chanteur Biz, du groupe de rap Loco Locass, prend la plume pour décrire la réalité «sombre et crue» que peuvent vivre certains ados dans les polyvalentes du Québec dans son tout nouveau roman, «La chute de Sparte».

C'est en faisant la tournée des écoles pour parler de son métier et de la langue française qu'est venue à Biz l'idée de faire découvrir l'univers des polyvalentes aux parents.

«Les adultes ont depuis toujours eu de la misère avec les adolescents, explique-t-il. Ils ont de la difficulté à passer par-dessus l'apparence, par-dessus les cheveux longs et le cuir, pour voir ce que vivent vraiment les jeunes. Les adultes sont extrêmement condescendants avec les ados, de manière générale.»

Or, l'expérience du rappeur dans différentes écoles du Québec lui a permis de réaliser à quel point certains adolescents vivent des réalités difficiles sans jamais se confier à un adulte.

La tolérance envers l'intimidation

C'est d'ailleurs la trame narrative de son dernier roman. Steeve, grand lecteur devant l'éternel, nous confie des bribes de son quotidien dans une polyvalente, jusqu'à ce que l'impensable survienne: le héros de l'école, le joueur de football dont toutes les filles sont folles, se suicide.

Sans dévoiler le punch du roman, on peut toutefois révéler que cette mort est liée à l'intimidation.

«On tolère certaines choses à l'école qu'on ne tolérerait pas dans un bureau», dénonce Biz. «Des ados se font rentrer dedans par-derrière pendant qu'ils fouillent dans leur casier et c'est correct. Si ça se passait dans un bureau, devant un photocopieur, on appellerait la police.»

«Il y a une tolérance et une banalisation de la violence et de l'intimidation à l'école, poursuit-il. Je tenais à le dire aux parents et à nos élus. Quant aux jeunes, si je peux en aider un seul, ma job sera faite.»

Ignorer le malheur

Les figures parentales sont pratiquement absentes dans La chute de Sparte, et ce n'est pas un hasard.

«C'est un livre à hauteur de jeunes, lance Biz. Les parents ne connaissent souvent pas la réalité de leurs enfants. Dans une polyvalente, il y a une gang de jeunes et des profs, point. Ce sont souvent ces derniers qui les connaissent le mieux et qui savent ce qu'ils vivent.»

«Il n'y a rien de plus déprimant comme société que d'être confronté au malheur des jeunes.

«On préfère fermer les yeux, parce que ça nous renvoie à notre propre image et qu'on veut se trouver beau, quand on se regarde dans le miroir.»

Biz est membre du groupe Loco Locass depuis 10 ans. C'est le deuxième livre qu'il publie aux Éditions Leméac.

* * *

Q- Comment considérez-vous le réseau scolaire ?

R- Si je fondais un parti politique demain matin, l'éducation serait la priorité nationale absolue. Un peuple éduqué est souvent en meilleure santé et peut se permettre de payer pour des soins de santé. Le Québec est pris en otage par les baby-boomers qui contrôlent l'agenda politique. Comme ils arrivent à l'âge des bobos et de l'arthrite, ils établissent la santé comme priorité. Il y a bien d'autres choses à faire avant, selon moi.

Q- Comment peut-on lutter contre le fléau du décrochage scolaire ?

R- On demande aux garçons de rester assis toute la journée sans rien faire et ça ne marche pas. Moi, je mettrais des périodes d'éducation physique le matin et l'après-midi, avant d'aborder les notions les plus difficiles comme la chimie et les mathématiques. Il faut aussi cesser de se centrer sur le quotidien des jeunes et les en sortir pour les intéresser à un projet éducatif commun et rassembleur, pour resserrer leurs liens sociaux. Les jeunes ont besoin d'avoir une culture commune, d'être intéressés à autre chose qu'à leur vie. Si on les laisse dans leur confort, ils ne se dépasseront jamais.

Q- Croyez-vous que les jeunes soient désintéressés de la politique ?

R- Au contraire! Par contre, les adolescents ont un détecteur intégré de bullshit très sensible. Si tu n'es pas vrai avec eux, ils le savent. Il n'y qu'à voir les réactions qu'a suscité la mort du chef du NPD Jack Layton. J'ai l'impression que les jeunes l'aimaient parce qu'ils le trouvaient authentique. Ce type-là avait la capacité et le charisme nécessaires pour toucher les gens. Par ailleurs, je suis toujours surpris de constater à quel point les jeunes sont intéressés et passionnés par la politique lorsque je vais visiter des écoles. Je reçois des courriels d'ados de 15 ans qui comptent les années avant de pouvoir voter.

Q- À votre avis, les jeunes trouvent-ils important de connaître la langue française et d'apprendre à bien s'exprimer ?

R- Je ne jetterai jamais la pierre aux jeunes quant à la qualité de la langue française. Ce ne sont pas eux qui ne savent pas parler, mais plutôt l'ensemble du Québec. D'ailleurs, je trouve que c'est une sottise absolue que de vouloir faire de nos jeunes des personnes bilingues dès le primaire. Cela risque d'avoir de grandes conséquences sur la façon dont les francophones vont se percevoir dans les prochaines années, et aussi dans la manière que vont nous considérer les nouveaux arrivants. J'aimerais poser la question à notre gouvernement: si vous on vous démontrait que le bilinguisme et la langue anglaise font reculer le français, iriez-vous quand même de l'avant avec le bilinguisme accéléré dès le primaire ? Ce n'est pas une immersion anglaise qu'on offre à nos jeunes, c'est une submersion du français.