Beijing Information (version en ligne)
Numéro35 - 29 août 2006

Un couple bouddhiste au quotidien

Lisa Carducci

Zhang Junzhou et Niu Yueying sont mes voisins. Zhang est né dans la province du Shaanxi il y a près de 70 ans, une grande famille de six enfants, deux filles suivies de quatre garçons. Personne n’a fréquenté l’université; les études se sont limitées soit au premier soit au deuxième cycle du secondaire. La famille n’était ni riche ni pauvre, et dans ce temps-là, c’était déjà beaucoup. Zhang pour sa part a fréquenté une école de métiers à Xi’an. En 1960, il a été envoyé à Beijing travailler pour le ministère des Transports. Un an plus tard, il s’est inscrit dans l’armée, et travaillait selon les besoins. Sa santé n’était pas très bonne et il travaillait dur. En 1964, il a subi une opération, suivie d’une période de convalescence de deux ou trois mois à Dalian. En 1970, il a quitté l’armée pour une usine d’automobiles à Beijing. Il est à la retraite depuis 1988.

La famille de Niu Yueying, originaire de Beijing, comptait également six enfants. Aussitôt terminé le premier cycle du secondaire, en 1968, Niu a commencé à travailler comme son père, dans l’agriculture, dans la banlieue de la capitale. En 1981, elle est passée au Bureau des parcs et forêts de la municipalité de Beijing, et a finalement pris sa retraite en 2001.

Le couple a deux fils. L’ainé a 37 ans, il est commerçant, célibataire, et le second travaille comme agent de bord pour Air China international, et il a une fillette de 4 ans.

Tous les jours à 17 h précises, j’entends de la musique bouddhiste chez mes voisins. Je leur ai donc demandé comment ils avaient approché la religion. La mère de Zhang croyait vaguement au bouddhisme, mais lui, c’est la pensée de Mao Zedong qu’il suivait. Ce n’est qu’en 1994 qu’il a adhéré au bouddhisme. D’abord, en prenant sa retraite, il a commencé à faire du qigong* pour améliorer sa santé, et s’est bientôt rendu compte que la plupart des gens qui pratiquaient le qigong étaient des bouddhistes, et c’est de là que venait leur succès, leur force. Il a alors commencé à assister à des réunions, puis suivi les enseignements de Yu Xiaofei, et est devenu disciple de la grande Lin Shuhua. Sa santé s’améliorait et surtout, il se sentait bien intérieurement. Dans les groupes, Zhang a entendu des témoignages frappants et a été témoin de guérisons extraordinaires et de phénomènes inexplicables. Tout cela était très beau et très apaisant.

Puis, sa femme a été malade. Rien à faire, les médecins ne savaient comment la soulager. Alors, il a tenté une expérience où il n’avait rien à perdre : il a pris un verre d’eau, l’a placé devant le Bouddha, et a prié. Ensuite il a demandé à Niu de boire l’eau. « ce fut un succès, dit Niu. Je n’ai pas eu besoin de subir l’opération prévue et le mal n’est jamais revenu. C’est depuis ce temps que le bouddhisme est entré dans ma vie. »

Le bouddhisme a changé leur vie. Avant, il leur arrivait de se disputer, comme tous les couples, à cause de la pression de la vie, la lutte pour la survie, la course et la fatigue. Maintenant, ils sont très calmes et savent résoudre les problèmes par le dialogue et dans la paix.

La musique qu’ils écoutent chaque fin d’après-midi est une règle qu’ils se sont fixée parce qu’elle leur convient. Cette musique est un enseignement. On ne fait rien d’autre que l’écouter, sans penser à rien. Ce que le bouddhisme a d’extraordinaire, c’est qu’il est une religion sans dieu. Un bouddhiste ne croit qu’en lui-même. Il tend vers la perfection de son être. Le bouddha Sakyamuni, fondateur du bouddhisme, n’est pas un dieu ; c’est un homme.

La Chine est un pays officiellement sans religion, mais l’État n’est aucunement contraire à la pratique du bouddhisme. Il y a partout des temples actifs et des fidèles. Mao Zedong avait demandé à Zhou Enlai pourquoi il était si bon. Il a répondu : premièrement, à cause du marxisme, deuxièmement, à cause du bouddhisme.

Dans le bouddhisme, rien n’est obligatoire, rien n’est interdit. Par exemple, si Zhang et son épouse ne consomment plus de viande, c’est qu’ils se sentent mieux ainsi. La plupart des bouddhistes chinois ne mangent pas de volaille, poisson, viande. Mais au Tibet, par exemple, sur les hauts plateaux où il fait froid, les gens ont besoin de viande. Comme la cuisson détruit les éléments nutritifs, Zhang et Niu consomment des crudités.

À sa retraite, Zhang a commencé à aller souvent au parc faire de l’exercice. Il a aussi étudié un peu la peinture. Sa femme n’est pas depuis très longtemps à la retraite. Pour l’instant elle s’occupe beaucoup de leur petit chien et prend soin de leur petite-fille.

Le XXIe siècle sera le siècle de la Chine, pense Zhang, et il croit que cela grâce au bouddhisme en grande partie. Le bouddhisme prêche la bienveillance envers tous. Aider les autres, sans parti pris. Le terrorisme s’est attaqué surtout aux pays riches et matérialistes. Le bouddhisme prêche aussi la vie tranquille. Cela convient parfaitement à la Chine qui a toujours été un pays pacifiste. Il enseigne à élargir sa pensée et à placer toutes ses actions - travailler, étudier, manger, se reposer - dans l’optique bouddhiste. Il faut se concentrer sur une seule chose si l’on veut avancer. Ou on avance, ou on recule. Les bouddhistes sont de plus en plus nombreux ; ils sauveront le monde parce qu’ils aiment la paix. Le XXIe siècle sera un siècle de paix grâce à la Chine.

Ce texte est le résumé d’une entrevue. Si vous voulez en savoir davantage sur cette famille, sur le bouddhisme vécu au quotidien, ou lire d’autres entrevues faites à travers le pays, vous trouverez le texte intégral dans:

Carducci, Lisa. Mille facettes de la Chine, Beijing, Éditions en langues étrangères, 2006, 304 pages.

ISBN 7-119-03215-1