NouvellesCSQ

BOÎTE AUX L E T T R E S

L’enseignement nous rend-il malades ?

Après avoir lu l’article « Samuel en a assez et décroche »

dans l’édition d’automne du magazine Nouvelles CSQ

intitulé La Violence ça ne fait pas partie de la job, je voudrais

vous parler de la violence que l’on se fait à soi-même…

Je suis de celles et ceux qui veulent partir à la retraite « même

si cela se traduit par des pertes financières, tellement les

conditions de travail sont déplorables ». Au début de la

cinquantaine donc, je me suis retrouvée en burnout.

Mon corps, mon coeur, mon mental ont-ils choisi cette maladie

pour décompresser ou pour m’enlever toute la pression que

je me suis donnée afin d’être une excellente enseignante ?

Je ne suis pas la seule dans cette situation n’est-ce pas ?

Un nombre effarant d’enseignantes et d’enseignants vont

consulter et doivent prendre des antidépresseurs pour

continuer leur carrière.

Quand ma thérapeute me dit que mon travail me rend malade,

qu’une énorme part est devenue toxique et que je dois quitter

cette carrière, cela me met en colère. Car j’adore enseigner,

mais pas dans ces conditions… Non, je ne veux plus « en

saigner », je décroche comme Samuel. La seule différence

entre lui et moi, c’est que j’y ai laissé ma peau.

Nous nous retrouvons, nous qui sommes dans la cinquantaine,

à finir notre carrière de peine et de misère et parfois très amers…,

dans le silence de nos colères et dans l’isolement. Parce qu’on

ne veut plus nous entendre « chialer » ou revendiquer, on se

tait et on ravale jusqu’à en devenir malades…

Bien sûr, je n’aurai pas les honneurs d’avoir servi ma commission

scolaire durant 35 ans. J’ai 22 ans à mon crédit, seulement

les 2/3. Je sombrerai probablement dans l’oubli et les préjugés,

mais en ne restant pas dans l’anonymat, j’aurai réussi

à dire tout haut ce que d’autres pensent tout bas.

J’aurais voulu finir ma carrière en beauté, mais je quitte avec

« une jambe cassée dans la tête ». J’aurai à mettre un plâtre

et faire de la physio., de l’ergo. et même de la thérapie pour

guérir de tous ces maux.

Mais, j’irai vivre ma passion et ma créativité ailleurs que dans

ce système éducatif qui est devenu un Titanic. Je vois l’iceberg

poindre à l’horizon. Alors, je me sauve en canot de sauvetage

avant que tout coule.

Je vais apprivoiser ma guérison le temps qu’il faut et enseigner

dans des secteurs plus centrés sur le coeur.

Lucie Cormier

Enseignante de Victoriaville

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