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Les braves du 13 septembre

Patrick Lagacé

Les braves en bleu

Journal de Montréal
14/09/2006 23h06 

Cette fois-ci, personne ne dira que les policiers de Montréal ont hésité avant de prendre en chasse un désaxé qui tirait dans une école. Cette fois-ci, les flics sont entrés dans l'école assiégée sans attendre, bravement, au péril de leur vie.

Évidemment, l'autre fois, c'était en 1989, à Polytechnique. Pour un tas de raisons, les premiers policiers arrivés n'avaient pas fait de la recherche et de la maîtrise du tireur leur première priorité.

Hier, les flics sont entrés dans le Collège Dawson sans tarder.

Ils n'ont pas attendu qu'arrivent des renforts nombreux ou le SWAT.

Ils sont entrés. Immédiatement.

Cyrielle Vincent, 21 ans, étudiante en sciences humaines, était près de l'entrée Maisonneuve, à 12 h 41.

«Je fumais, avec tout le monde. Quand j'ai vu le gars tirer, je me suis cachée derrière un arbre. Tout le monde courait partout. Le gars est entré dans l'école. Ça n'a pas pris une minute, les policiers sont arrivés. Et ils sont entrés eux aussi...»

C'est aussi ce que d'autres témoins racontaient, hier, aux abords du Collège Dawson. La police est arrivée rapidement. La police a pris le tireur en chasse.

Layvanh Sichantho et son amie Sabyne ont vu, dans la cafétéria de l'aile E, le suspect pris dans un coin. Devant lui, dit-elle, une policière et son partenaire.

«Les policiers sont arrivés très vite. Dans la cafétéria, j'ai vu le gars. La policière lui a crié : Dépose ton gun ! dit Sabyne. Mais le gars a ouvert le feu, et les policiers ont retraité...»

Mais les flics, cette fois-là, sont allés au front. Les étudiants de Dawson sortis en panique de l'édifice, hier après-midi, racontaient avoir vu des policiers partout dans l'édifice.

Des actes de courage

Ce soir de décembre 1989, à Polytechnique, fut bien différent. Notre corps de police a été critiqué pour ne pas être entré rapidement, immédiatement, dans l'édifice. Dans les premières minutes de l'événement, la police attendait, à l'extérieur, dans le froid, avant d'entrer. Cinq minutes, dit-on.

La coroner qui avait mené l'enquête de Poly avait conclu que même si les premiers policiers de Montréal s'étaient lancés à l'assaut, le bilan aurait probablement été le même : 14 victimes. Qu'importe. Pour la réputation des flics qui patrouillent cette ville, le mal était fait.

En analysant la réponse policière à Polytechnique, les autorités ont parlé de défaillances, de lacunes, de manque de formation des policiers.

Évidemment, en 1989, les autorités n'ont pas parlé de manque de courage.

Ça n'a pas empêché bien des gens de le dire, haut et fort. La tache était là : à Poly, nos flics avaient peut-être eu peur.

Pas hier.

On entend parler de flics qui ont accouru vers le Collège Dawson. Des flics de la police de Montréal et de la SQ. Le Centre d'opération sud, situé tout près, s'est vidé, dit-on. À Dawson, il y avait des patrouilleurs, oui, mais également des enquêteurs et des policiers en civil.

Pas de bullshit

Le directeur de la police de Montréal, Yvan Delorme, ne bullshite donc pas quand il dit: «On a appris de Polytechnique. Avant, lorsqu'on arrivait sur les lieux d'un drame, on sécurisait le périmètre avant tout. Là, les policiers sont entrés tout de suite et ont agi.»

La police de Montréal n'est pas parfaite. On casse du sucre sur le dos des agents, souvent avec raison.

Mais hier, au Collège Dawson, des flics ont commis des actes de bravoure. Hier, un peu peu après 12 h 41, au centre-ville de Montréal, des flics sont entrés dans un building. Prêts à ne pas en sortir.

Document du lieutenant Ian Lafrenière