États-Unis - Accommodement langagier :
"djihad" et "terroriste islamiste" bannis du vocabulaire officiel

Jihad
samedi 26 avril 2008

Le gouvernement américain n’ose plus nommer l’ennemi dans la guerre au terrorisme, par peur d’offenser les musulmans. Et si on avait banni les mots « nazi » et « fascisme » par respect pour les allemands et à la demande de la diaspora sympathique au nazisme... peut-être qu’on aurait prévenu l’holocauste et la 2e guerre mondiale. Pourquoi n’y a-t-on pas pensé ?

Ces accommodements langagiers font en sorte que l’idéologie qui anime les terroristes islamistes est complètement occultée. Cette stratégie suicidaire dictée par une rectitude politique aberrante porte la marque d’une capitulation totale face au mouvement djihadiste mondial inspiré d’une idéologie totalitaire dont les fondements sont théologiques. C’est se mettre la tête dans le sable, c’est se désarmer volontairement. Si on arrête de les appeler « djihadistes » et « terroristes islamistes... » le djihad mondial va cesser d’exister comme par enchantement ! Mon dieu, quelle naïveté...

Le théologien américain George Weigel mettait pourtant en garde contre ce genre de déni de réalité (ici) : Il y a également cette bizarre réticence à parler des racines religieuses du djihadisme, et pourtant qu’est-ce que le djihadisme ? Le djihadisme est l’idéologie d’inspiration religieuse qui enseigne qu’il est du devoir moral de chaque musulman d’utiliser tous les moyens nécessaires pour obliger le monde à se soumettre à l’islam.

Il est certainement vrai que la majorité des musulmans dans le monde n’acceptent pas cette définition des exigences de leur foi. C’est vrai. Mais ce fait est dénué de pertinence. C’est sans pertinence parce que les djihadistes, eux, acceptent cette exigence de leur foi, et ils sont non seulement notre ennemi, mais aussi celui de leurs frères musulmans.

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Ne les appelez plus des djihadistes.

Et n’appelez pas A-Qaïda un mouvement.

L’administration Bush a lancé un nouveau front dans la guerre contre le terrorisme, qui cible le langage.

Les agences fédérales, y compris le Département d’État, le Département de la sécurité et le Conseil national de lutte contre le terrorisme, disent à leurs employés de ne pas décrire les extrémistes islamistes comme des « djihadistes » ou « moudjahidin », selon les documents obtenus par l’Associated Press. Des termes comme « islamo-fascisme » sont aussi bannis.

La raison : de tels mots peuvent renforcer le soutien des musulmans pour les radicaux en donnant à ces derniers une apparence de crédibilité, ou offenser les musulmans modérés.

Par exemple, alors que les Américains peuvent comprendre « djihad » comme signifiant « guerre sainte », c’est en fait un concept islamique plus large de lutte pour accomplir le bien, dit le guide d’orientation préparé pour les diplomates et autres fonctionnaires chargés d’expliquer la guerre contre le terrorisme au public. De même, le terme « moudjahidin », c’est-à-dire ceux qui sont engagés dans le djihad, doit être replacé dans son contexte plus large.

Les fonctionnaires américains pourraient « involontairement représenter les terroristes, qui n’ont pas de morale ni de légitimité religieuse, comme de courageux combattants et soldats ou de légitimes porte-paroles pour les musulmans modérés », dit un rapport du Homeland Security intitulé Terminologie pour définir les terroristes : Recommandations de musulmans américains.

« En ce qui concerne le mot « djihad », même s’il est exact, il pourrait ne pas être stratégique de l’utiliser parce qu’il glorifie le terrorisme, il imprègne les terroristes d’une autorité religieuse qu’ils n’ont pas et il endommage les relations avec les musulmans dans le monde », indique le rapport.

Le langage est crucial dans la guerre contre le terrorisme, dit un autre document, un mémo « pour usage interne seulement » qui circule à travers Washington intitulé : Words that Work and Words that Don’t : A Guide for Counterterrorism Communication. (Les mots qui fonctionnent et ceux qui ne fonctionnent pas : Guide pour la communication antiterrorisme)

Ce mémo, préparé à l’origine en mars par la Extremist Messaging Branch du National Counter Terrorism Center, a été approuvé pour utilisation diplomatique cette semaine par le Département d’État, qui prévoit de distribuer une version à toutes les ambassades des États-Unis, a dit un fonctionnaire.

« Ce n’est pas ce que vous dites, mais ce qu’ils entendent », dit la note en caractères italiques gras, énumérant 14 points sur la façon de mieux présenter la guerre contre le terrorisme.

« Ne mordez pas à l’appât », dit-il, exhortant les responsables de ne pas réagir quand Osama bin Laden ou des affiliés d’Al-Qaida parlent. « Nous devons offrir une réponse minimale, le cas échéant, à leurs messages. Lorsque nous répondons haut et fort, nous élevons leur prestige dans le monde musulman ».

« Ne compromettez pas notre crédibilité » en utilisant des mots et des phrases qui peuvent attribuer des motivations bénignes aux terroristes.

D’autres particularités :

- Ne jamais utiliser les termes « djihadiste » ou « moudjahidin » dans la conversation pour décrire les terroristes. ... Appeler nos ennemis djihadis et leur mouvement un djihad mondial peut involontairement légitimer leurs actions.

- Utilisez les termes « extrémistes violents » ou « terroristes ». Les deux termes sont largement compris comme définissant nos ennemis de manière appropriée et tout en leur refusant un quelconque niveau de légitimité.

- D’autre part, évitez la terminologie offensante et mal définie : Nous communiquons avec notre auditoire, nous ne le confrontons pas. Évitez de les insulter ou de les confondre avec des termes péjoratifs comme islamo-fascisme, qui sont considérés comme offensants par de nombreux musulmans.

Le mémo indique que l’avis n’est pas contraignant et ne s’applique pas aux documents de politique officielle mais devrait être utilisé comme un guide pour les conversations avec les musulmans et les médias.

Au moins au niveau supérieur, il semble avoir eu un impact. La Secrétaire d’État Condoleezza Rice, qui a souvent référé à « djihad » dans ses allocutions publiques, ne semble pas avoir utilisé le terme depuis septembre dernier, sauf lorsque l’on parle du nom d’un groupe terroriste spécifique.

Le mémo reflète un avis distribué l’année dernière aux diplomates britanniques et à ceux de l’UE pour mieux expliquer la guerre contre le terrorisme aux communautés musulmanes.

Il s’inspire également beaucoup du rapport du Homeland Security qui a examiné la façon dont les musulmans américains ont réagi aux différentes expressions utilisées par les responsables américains pour décrire les terroristes et a recommandé des moyens d’améliorer le message.

En raison de connotations religieuses, ce rapport, publié en janvier et obtenu par AP cette semaine, conseille la prudence dans l’utilisation de termes tels que « djihadiste », « terroriste islamiste », « islamiste » et « guerrier saint » comme des descriptions grandioses.

« Nous ne devons pas reconnaître la prétention des terroristes qu’ils sont des adeptes légitimes de l’islam », selon le rapport, ajoutant que « Ben Laden et ses adeptes craignent la non-pertinence plus que toute autre chose ».

Nous devons soigneusement éviter de donner à Ben Laden et aux autres dirigeants d’Al-Qaida la légitimité dont ils ont besoin mais qu’ils ne possèdent pas en les caractérisant comme des figures religieuses, ou en des termes qui peuvent les faire paraître nobles aux yeux de certains.

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