Publié le 15 mai 2012

Il faut miser sur le temps

Lysiane Gagnon
La Presse

On comprend que la ministre Beauchamp en ait eu assez de négocier avec des étudiants qui ne veulent pas négocier, et qui d'ailleurs le voulaient si peu qu'ils n'ont même pas eu la droiture de recommander à leurs assemblées d'adopter la solution de compromis sur laquelle ils avaient apposé leurs signatures.

Cela, c'était du jamais vu. Dans la pratique syndicale normale, les leaders syndicaux s'engagent à «vendre» à leurs membres le compromis auquel ils ont adhéré.

Mais évidemment, ici l'on n'est plus dans la normalité, on est dans l'univers fantasque d'enfants-rois protégés par l'adulation des médias et le soutien démagogique de leurs compagnons de route adultes qui ont tous, on le sait, leurs propres arrière-pensées politiques.

La démission de Mme Beauchamp, l'un des poids lourds d'une équipe gouvernementale qui en compte fort peu, risque de placer le gouvernement dans une position de faiblesse, dans la mesure où les leaders de la fronde étudiante pourront se vanter d'avoir eu la peau d'un ministre.

On voit mal comment la nouvelle ministre Michelle Courchesne réussira à amadouer des interlocuteurs réfractaires à tout compromis. Si elle échoue, le gouvernement devra signaler sans délai la fin de toute négociation.

Cette ligne serait parfaitement légitime, compte tenu du fait que depuis le début du conflit, le gouvernement a fait plusieurs compromis majeurs (amélioration des prêts et des bourses, étalement de la hausse, allocation aux étudiants des surplus dégagés dans les universités)... alors que les associations étudiantes, de leur côté, n'ont pas bougé d'un pouce.

Le gouvernement peut miser sur l'usure, tout simplement. Il devrait aussi, de même d'ailleurs que les médias, dédramatiser l'affaire.

Car enfin, le Québec n'est pas au bord de l'abîme! À l'heure qu'il est, seuls 14 cégeps (sur 48) sont paralysés. Les autres fonctionnent tout à fait normalement, tout comme d'ailleurs la grande majorité des départements universitaires, à l'exception de l'UQAM, le gros bouillon de culture de l'agitation.

Les manifestations attirent de moins en moins de monde. La mobilisation va se relâcher.

Les plus rebelles, qui se fichent de perdre leur trimestre, mais ne dédaignent pas l'argent, lâcheront bientôt les piquets de grève pour leurs emplois d'été. Les défilés nus ou masqués suscitent de moins en moins de curiosité et ont perdu leur effet-choc.

Les auteurs des attaques aux bombes fumigènes seront éventuellement jugés et punis comme les petits délinquants qu'ils sont. Rien n'indique que la violence soit appelée à augmenter, et si des manifestations dégénèrent, eh bien tant pis, Montréal a des forces policières bien entraînées.

Les dommages collatéraux de ce psychodrame seront énormes, mais ils auront au moins une utilité, celle de démontrer que l'on est responsable de ses actes et que l'on ne sabote pas impunément un système scolaire.

Les dernières «offres» verbales de Mme Beauchamp étaient malvenues. Jeter les universités en pâture à la foire d'empoigne d'une commission parlementaire, c'est bien la dernière chose à faire si l'on veut assurer un minimum de respect pour la mission des universités que le gouvernement prétendait défendre en haussant les droits.

Une commission parlementaire, cela ne vaut pas mieux que le cirque multipartite prévu dans l'entente entre Québec et les étudiants, entente heureusement tombée à l'eau.

L'Homo Quebecensis est un animal qui n'aime pas la chicane, d'où la popularité de l'idée d'un moratoire. On «règlerait» la crise en repoussant l'enjeu aux calendes grecques...

Ce serait, pour le gouvernement, une retraite inacceptable, d'autant plus que la hausse des droits, assortie d'un système de bourses extrêmement généreux, est une mesure équitable et raisonnable sur laquelle il serait insensé de revenir.