Vive les bureaucrates!
Paru dans La Presse du dimanche 22 juillet 2007

Cher Monsieur le Maire Trudel

Arrondissement de Verdun

Vous pouvez partir en vacances l’esprit tranquille : des gens veillent aux meilleurs intérêts de l’Ile-des-Sœurs. Ainsi, pour aménager un parc à l’Orée-du-fleuve, vos bureaucrates du service des parcs ont fait arracher dix peupliers qui se trouvaient sur le terrain. C’étaient des arbres matures, de haute taille et bien épanouis. En fait, figurez-vous, il s’agissait des seuls arbres situés sur ce terrain et aux alentours – le reste du sol étant nu.

Ces peupliers magnifiques avaient, hélas!, le tort de ne pas s’intégrer au plan qu’avaient conçu vos «spécialistes» pour ce parc. Telle est la justification qu’ils en ont donnée au Magazine de l’Ile-des-Sœurs (édition du 28 juin). Ces braves garçons et ces bonnes filles ont certainement conçu un fort joli parc; ils ont d’ailleurs prévu y faire planter de nombreux jeunes arbres, feuillus et conifères, sans compter d’innombrables petits arbustes et un abondant gazon tout vert. On y trouvera sans doute un faux vieux banc de tramway; un jour, très lointain, on pourra s’y asseoir à l’ombre.

Mais il n’est pas venu à l’esprit de vos grands clercs de profiter des arbres déjà en place, qui auraient procuré ombrage et fraicheur, sans parler de leur beauté. Les jeunes arbres qui prendront la relève mettront au moins 20 ans avant de procurer les mêmes bienfaits, mais qu’importe, car les arbres existants ne se trouvaient pas au bon endroit par rapport au plan. Ah! Comme le monde serait magnifique s’il avait été planifié par des fonctionnaires : les arbres pousseraient ici en ligne droite, là en croissant de lune, les sous-bois seraient aménagés soit à l’anglaise soit à la française, les rosiers n’auraient pas d’épines à moins qu’ils ne portent chacun une affichette avertissant «Danger : épines piquantes».

Je passe sous silence les dépenses encourues par votre service des parcs pour couper les arbres existants et arracher leurs grosses souches, les transporter dans un dépotoir, acheter et planter les nouveaux. Car chacun sait que les citoyens de l’Ile-des-Sœurs paient de plantureuses taxes à Verdun, qui n’a donc pas à regarder à la dépense.

Oui, décidément, monsieur le Maire, faites confiance à vos bureaucrates  des parcs et ne vous mettez jamais le nez dans leurs affaires. Interdisez à vos conseillers municipaux de s’informer des projets, car eux non plus ne connaissent pas les canons de la planification. Partez en vacances sans vous faire de soucis. Car vos gens veillent sur l’arrondissement avec amour et intelligence.

 

Pierre-Gabriel Jobin

Ile-des-Soeurs

30 juin 2007

 

cc : La Presse