Pour une nécessaire laïcité dans nos écoles

TANIA LONGPRÉ - 3 OCTOBRE 2013

C’est le 14 juin 2000 que l’État québécois a déconfessionnalisé son système scolaire en créant les commissions scolaires linguistiques, plutôt que religieuses en adoptant la loi 118. François Legault, alors ministre de l’Éducation au sein du gouvernement du Parti Québécois disait: que nous devions «tendre, au Québec, vers moins de religions». C’était un projet ambitieux, réaliste et moderne, mais surtout nécessaire: au début des années 2000, tendre vers la laïcité n’était pas un mirage utopique, mais bien un projet rassembleur menant à l’égalité de tous. Pourtant, étant moi-même enseignante, je réalise que nous pouvons voir, de plus en plus, dans les classes, les services de garde ou les écoles, un nombre croissant d’employés n’étant plus neutres et laïcs. Les signes religieux ostentatoires explosent littéralement dans les écoles et pas seulement chez les enseignants, mais aussi chez les employés des services de garde scolaire ou chez les professionnels. Est-il normal qu’on accepte que ceux qui possèdent l’autorité dans nos écoles ne soient pas neutres face aux religions ? Ne vaudrait-il pas la peine de se questionner profondément sur ces délicates questions ?

Le Québec a reçu en 2012 un peu plus de 55 000 immigrants, il est donc temps que notre gouvernement instaure des balises claires afin de permettre à ceux qui nous rejoignent de bien s’intégrer, et pas seulement au niveau linguistique, mais au niveau culturel aussi. Est-ce qu’une enseignante portant le voile possède l’impartialité nécessaire pour enseigner et représenter de cette façon l’État ? Est-elle objective lorsqu’elle enseigne le cours d’éthique et culture religieuse ? Comment peut-elle enseigner que toutes les religions se valent alors qu’elle démontre clairement qu’elle croit à l’une d’elles ? Personnellement,  je pense que si on a déconfessionnalisé nos écoles, ce n’est pas pour faire entrer quelques années plus tard la religion par la porte d’en arrière.

De plus, ne soyons pas dupes, les cas d’accommodements dans les écoles et dans les garderies se multiplient et ceux-ci ne sont pas toujours positifs pour le développement de l’enfant. Nous ne voyons que trop souvent dans nos écoles primaires des règlements religieux qui l’emportent sur nos codes de vie laïcs : des petites filles ayant droit à un code vestimentaire différent dans les classes d’éducation physique, alors qu’un manque par un autre enfant est synonyme de punition. Des enfants ne pouvant pas participer aux fêtes scolaires (Halloween, Noël) alors qu’elles ne sont plus religieuses dans nos écoles depuis belle lurette ou étant absents lors de plusieurs fêtes religieuses d’une panoplie de religions différentes, par exemple le taux d’absentéisme surprenant lors des fêtes de l’Aïd, et ce, même chez les enseignants qui eux, sont même payés durant ces jours de congé religieux supplémentaires. Ces gestes ne sont plus marginaux, ils ne sont plus qu’anodins. Dans la région métropolitaine, ce sont nos réalités quotidiennes et on renvoie souvent la gestion de ces cas aux écoles ou aux autres institutions plutôt que de réagir collectivement.

Bien sûr, ces accommodements n’ont pas tous la même portée, souvenons-nous par exemple de l’an dernier où une petite fille portait un casque antibruit à la maternelle afin de ne pas entendre de la musique. Mais ils nous poussent tout de même à réagir. Quelques cas d’accommodements font l’actualité, mais beaucoup plus sont gérés quotidiennement dans nos établissements scolaires et ne se rendent pas jusqu’aux oreilles des médias et des chroniqueurs. Il est curieux de voir que dans ces écoles laïques, on tolère des dictats religieux, surtout chez les jeunes enfants, mais aussi chez les enseignants ou tout autre employé, quel message cela envoie-t-il ? Une enseignante portant un signe religieux ostentatoire ne représente pas l’objectivité que devrait avoir un professeur, employé de l’État.

Au Québec, on semble trop souvent choisir de ne pas agir sous peur de passer pour des «racistes» ou des «xénophobes» pourtant, se questionner sur l’immigration ne fait de personne un «raciste» ou un «fermé d’esprit». Je suis de ceux qui pensent que la religion n’a pas sa place à l’école, et que ceux qui désirent la pratiquer le fassent plutôt dans les lieux de culte ou dans les résidences privées. Cela ne veut pas dire qu’il faut cesser de fêter Noël dans les écoles ou de ne pas souligner l’Halloween en offrants des sucreries aux enfants, ce qui initiera d’ailleurs les enfants immigrants à la culture québécoise. Il suffit d’être neutre face aux questions religieuses, je ne pense pas qu’une femme voilée, ou un prêtre en col romain soit neutre et puisse représenter l’État objectivement. Souhaitons que nos autorités le comprennent aussi et renvoient les religions dans les sphères privées et fassent en sorte que nos établissements d’éducation soient enfin de véritables lieux laïcs, et non seulement en surface ou sur papier.