D'ex-musulmans sortent du placard

 

Le mercredi 22 août 2007

Grande-Bretagne: d'ex-musulmans sortent du placard

Yves Schaëffner
La Presse
Collaboration spéciale
Londres

Des musulmans britanniques qui ont renoncé à leur religion viennent de fonder une association. Leur but? Promouvoir la laïcité et défendre le droit de critiquer toutes les religions. Particulièrement la leur.

«Aujourd'hui, nous vivons une forme d'inquisition islamique.» Autant la voix de Maryam Namazie est douce, autant ses propos sont tranchants. Athée et militante, la fondatrice de la branche britannique du Conseil des ex-musulmans n'est certainement pas une «grenouille de mosquée».

Si elle n'a rien contre l'islam, elle en a beaucoup contre la politisation de la religion. Laïque jusqu'au bout des ongles, opposée au port du hidjab, cette Iranienne de naissance dénonce notamment l'omniprésence de la religion dans la sphère publique.

«La religion devrait être un choix personnel, explique-t-elle. Mais aujourd'hui, les gens qui renoncent à l'islam sont considérés comme des apostats». Dans certains pays islamiques, c'est un crime punissable par la peine de mort.

«Même en Europe, poursuit-elle, vous seriez surpris du nombre de gens qui prétendent être musulmans alors qu'ils ne sont pas croyants.» Selon elle, beaucoup n'osent pas dire qu'ils ont renoncé à leur religion de peur de froisser leur famille, d'être déshérités ou, pire, d'être menacés.

«C'est pourquoi il est important de s'afficher publiquement comme ex-musulman. C'est une manière de briser un tabou. C'est un peu comme à l'époque où les gais ont commencé à sortir du placard», explique-t-elle en souriant, sur la terrasse d'un café du centre de Londres.

Comme elle, une soixantaine de musulmans britanniques sont sortis du «placard de l'athéisme» depuis la fondation du Conseil il y a deux mois. Militants pour les droit des femmes, défenseurs de la laïcité, musulmans déçus, socialistes, ces hommes et femmes ont accepté d'être pris en photo et de révéler leurs noms publiquement.

Bien qu'il ne partage pas toutes les opinions du Conseil des ex-musulmans, le député travailliste David Drew a jugé important de soutenir une motion en faveur du groupe au Parlement, en juin dernier. «C'est important de reconnaître que les gens puissent changer de religion», explique le député.

La branche britannique du Conseil des ex-musulmans est la cinquième à voir le jour en Europe depuis le début de l'année. Mina Ahadi qui est à l'origine du mouvement en Allemagne, a plaidé en faveur de la liberté d'expression lors de son récent passage à Londres. «Nous vivons dans un monde où les médias et le public ont peur de critiquer l'islam et les autres religions», a-t-elle déploré.

En Grande-Bretagne où le multiculturalisme est roi, Maryam Namazie et le Conseil des ex-musulmans tiennent un discours à contre-courant. Dans leur manifeste, ils s'opposent notamment aux subventions gouvernementales pour les groupes religieux. Ils souhaitent également que le port du hidjab soit interdit aux employés de l'État et dans les écoles.

Dans la ligne de mire du Conseil se trouvent aussi les principales associations musulmanes du pays. Maryam Namazie déplore que le gouvernement et les médias considèrent que ces groupes politisés représentent la voix de l'ensemble des musulmans.

«Il faut arrêter de nous remettre pieds et poings liés à ces groupes. Je ne veux pas être appelée musulmane. Et même si les gens sont musulmans, ils ne veulent pas forcément être étiquetés comme tels. Il y a des milliers de manières de catégoriser les gens. Que diriez-vous si tout le monde, tout le temps, vous définissait comme un chrétien? Comme si c'était tout ce que vous étiez.»

Qualifié de «rétrograde» et de «réactionnaire» par les «ex-musulmans», le Conseil des musulmans de Grande-Bretagne dit refuser de les prendre au sérieux. «Je ne pense pas que les musulmans ont du temps à perdre avec ça», a assuré son porte-parole, Inayat Bunglawala.

Sûre que son point de vue est partagé par une bonne partie de la majorité silencieuse, Maryam Namazie est quant à elle convaincue du contraire. «Un jour, ils vont devoir nous prendre au sérieux», rétorque-t-elle.

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