Le pouvoir des consommateurs

Toula Foscolos

Toula Foscolos

Publié le 7 mai 2013 

Toula Foscolos   
Le Messager Week-End

Vous avez tous entendu parler de cet immeuble au Bangladesh construit sans qu'on ait respecté la réglementation et qui s’est effondré, tuant 400 personnes. Des fissures immenses étaient apparues quelques jours auparavant, mais le propriétaire jura que tout était sécuritaire. Même la police ordonna une évacuation, mais les administrateurs de la manufacture de vêtements à l’intérieur de l’édifice ordonnèrent à tous de continuer le travail.

Quelques heures plus tard, l’immeuble de huit étages (qui aurait dû en abriter seulement cinq) s’écrasa en broyant ses locataires. Ceux qui n’en périrent pas furent brûlés vifs par l’incendie qui s’y déclara peu après.

Cette image de ces gens piégés dans les décombres et brûlés vifs me donne encore la nausée. Et cela n’est qu’un des épisodes désolants de l’industrie du vêtement. Un autre désastre du genre avait déjà fait 112 morts, quelques mois plus tôt.

Cet incident avait alors jeté un certain éclairage sur les conditions misérables des travailleurs de cette industrie. Comment pouvons-nous forcer les multinationales à mieux traiter leurs employés outre-mer alors que nous, consommateurs, connaissons peu de choses de leur réalité?

Les consommateurs qui dépensent plus d’argent sur des produits griffés que l’équivalent des salaires mensuels de ces travailleurs ne développent pas nécessairement une conscience sociale lorsque cette réalité ne leur fait pas face.

Sans oublier le super argument : «Si ces manufactures n’existaient pas, ces travailleurs crèveraient de faim. Au moins, elles les font vivre.» C’est ce que les exploiteurs affirment à propos des exploités. C’est ce qui leur permet de dormir la nuit.

Et oui, il est difficile aussi d’être un consommateur éthique lorsqu’à chaque achat l’on doit se dire : «Est-ce du café équitable? De la volaille élevée en liberté? Des aliments biologiques? Ce produit menace-t-il la forêt pluviale?» Baaaah! Au diable tout ça!

Mais peut-on choisir ses combats? Les distributeurs nord-américains et européens des marchandises issues de ces ateliers clandestins ont leur part de responsabilités.

C’est aussi la responsabilité des médias de révéler ces controverses, même si elles semblent lointaines ou vaines.

Et c’est enfin aux consommateurs de faire leur part. Un T-shirt à 8$ est tentant chez Walmart ou Joe Fresh, mais il y a un prix à payer pour obtenir ces rabais. Nike a payé ce prix dans les années 90 lorsque l’on découvrit la réalité de ses ateliers de misère.

Est-ce que les diamants de sang réussissent quand même à être écoulés sur le marché? Bien sûr que si. Mais ce n’est pas parce que l’on ne peut pas tout changer qu’il faut tout abandonner?

Certes l’argent mène le monde, mais il y a moyen de faire du profit de façon éthique. Les entreprises qui choisissent de faire de l’argent sur le dos de travailleurs outre-mer méritent d’être dénoncées et forcées de quitter le pays.

Nous oublions le pouvoir dont nous disposons, nous, les consommateurs.

Que le président de Loblaws et fondateur de Joe Fresh, Galen G. Weston, déclare que cela le «trouble» n’est pas assez. C’est un début, mais ce n’est rien si cela en reste là.

Yes, it's hard to be a compassionate consumer. No, you shouldn't stop trying!