Vers un raz-de-marée de réfugiés climatiques

HAUSSE DU NIVEAU DES MERS
Vers un raz-de-marée de réfugiés climatiques

François Cardinal
La Presse

Prévoyant une hausse importante du niveau des mers au cours du prochain siècle, le bras scientifique de l'ONU tire la sonnette d'alarme: le réchauffement planétaire risque de créer des centaines de millions de «réfugiés climatiques».

Le rapport attendu du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), qui sera dévoilé vendredi à Paris, prédira une hausse du niveau des mers pouvant atteindre 43 centimètres d'ici 2100. Cela posera un risque certain pour bien des populations côtières qui n'auront pas le choix de fuir leur pays, prévient-on.

L'Asie du Sud-Est et les petits États insulaires sont très vulnérables à la hausse des mers, mais également aux ouragans. Le déplacement de millions de personnes pourrait poser un problème de taille aux pays occidentaux qui auraient le devoir de les accueillir, estiment des experts.

Cela dit, dans leur document destiné aux «décideurs politiques», les quelque 200 scientifiques ayant mis la main à la pâte régleront le cas des sceptiques : la température moyenne de la Terre devrait passer de 15 à 18 degrés, et l'homme est «très probablement» à l'origine de cette hausse appréhendée.

Précisons que le futur rapport de l'organisme parrainé par les Nations unies sera le quatrième du genre. Des centaines de scientifiques d'une centaine de pays, dont le Canada, participent chaque fois à l'exercice, faisant de chacun des rapports du GIEC «LA» référence en matière de changements climatiques.

La prochaine mouture sera plus précise que la précédente en ce qu'elle se base sur une période d'observations plus longue (650 000 ans, plutôt que 430 000). Selon un brouillon qui pourrait être retouché cette semaine, le GIEC prévoit une hausse du niveau des mers de 28 à 43 centimètres d'ici 2100 (plutôt qu'entre 9 et 88 centimètres, comme prévoyait le précédent rapport de 2001). À ce jour, la hausse a atteint 17 centimètres.

On prédira aussi une hausse des températures de la Terre de 2 à 4,5 degrés d'ici 2100, plus probablement de 3 degrés. La précédente estimation faisait état d'une fourchette de 1,4 à 5,8 degrés).

Plus important encore, on indiquera qu'il est désormais «très probable» que l'homme soit le principal responsable du réchauffement planétaire par ses émissions de gaz à effet de serre. Les scientifiques sont de 90 à 99 % certains de cette dernière prédiction. Dans le précédent rapport, on parlait d'un lien «probable» avec un taux d'exactitude allant de 66 % à 90 %.

Bien que ce changement puisse sembler anodin à première vue, il s'agit d'une grande percée scientifique. Il faut en effet savoir que les conclusions du GIEC doivent faire l'objet d'un consensus entre les scientifiques qui prennent part à sa rédaction, autant les plus conservateurs que les plus extrémistes.

Bien que les prévisions liées à la température et à la hausse du niveau des mers soient moins extrêmes que précédemment, le problème n'en est pas moins grave puisqu'il frappera surtout les pays pauvres, croient les auteurs du rapport.

Des pays comme le Bangladesh, de nombreux îles et atolls ainsi que les régions entourant les grands fleuves pourraient payer cher la hausse des émissions de gaz à effet de serre. L'Afrique pourrait aussi être durement touchée, mais plutôt par la sécheresse et la désertification.

Un débat entre experts a lieu actuellement sur l'existence actuelle ou future des réfugiés climatiques. Certains affirment par exemple que les millions de personnes qui ont été récemment contraintes de fuir le Darfour sont devenues les premiers réfugiés climatiques. On précise qu'ils fuyaient des conflits provoqués notamment par la sécheresse et le manque d'eau.

En revanche, l'organisme américain Earth Policy Institute estime que ce sont plutôt les victimes de l'ouragan Katrina, qui a frappé La Nouvelle-Orléans en 2005, qui sont les premiers réfugiés climatiques. On soutient ainsi que la force inhabituelle de la tempête était directement liée au réchauffement des océans, une thèse qui ne fait pas l'unanimité.

D'autres encore soutiennent que les premiers réfugiés sont la centaine de résidants de Lateu, petit village situé dans l'archipel de Vanuatu, en Océanie, évacués au mois d'août 2005. Le petit bout de terre qu'ils occupaient dans l'île de Tégua a été abandonné en raison de la montée des océans. Ils ont été relogés à l'intérieur de l'île.

D'une façon ou d'une autre, cela pose la question du rôle des pays occidentaux, les grands émetteurs de gaz à effet de serre. L'an dernier, la revue Nature faisait d'ailleurs état d'un débat sur la question.

Sujatha Byravan, du Conseil pour une génétique responsable de Cambridge, et Chella Rajan, du Tellus Institute, avaient alors proposé que les pays du Nord accueillent les réfugiés en proportion de leur niveau de pol lution. Avec près du tiers des émissions mondiales, les États-Unis accueilleraient ainsi le tiers des «réfugiés environnementaux».

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