Cachez ce sapin que je ne saurais voir

Accommodement - Noël

Cachez ce sapin que je ne saurais voir

Après l'accommodement raisonnable, qui est un concept juridique, faudra-t-il parler d'accommodement social? Une tendance à reléguer au placard des traditions ancrées dans la vie canadienne se dessine partout au pays.

Une juge de la Cour de l'Ontario, Marion Cohen, a provoqué une levée de boucliers en ordonnant le retrait d'un sapin de Noël du hall d'entrée d'un palais de justice de Toronto.

Selon elle, ce symbole risquait d'offenser des non-chrétiens. L'arbre a été relégué dans un couloir de l'administration.

Des réactions

Cet ordre a provoqué les réactions indignées non seulement du premier ministre de la province, mais aussi des groupes juifs et musulmans.

L'ordre de la juge Cohen a indigné le premier ministre ontarien Dalton McGuinty.

Nous avons le merveilleux privilège de construire une société pluraliste et multiculturelle. Mais on ne devrait demander à personne d'abandonner ses traditions. — Dalton McGuinty, premier ministre de l'Ontario, au « Toronto Star »

M. McGuinty a par ailleurs rappelé qu'on célébrait Diwali et Hanukah à Queen's Park.

Le Congrès musulman du Canada a qualifié la décision de stupide, ajoutant qu'il faudrait bannir la rectitude politique plutôt que les sapins de Noël. Quant au Congrès juif canadien, il a rappelé que le sapin de Noël symbolisait une fête heureuse pour tout le monde.

Arithmétique des religions au Canada, (Recensement de 2001)

chrétiens: plus de 70 % de la population

aucune religion : 16 %

musulmans: à peu près 2 %

juifs: 1 %

bouddhistes: 1 %

hindous: 1 %

sikhs: 1 %

Par ailleurs, sur le site Internet de Patrimoine Canada, la fête de Noël est noyée dans un ensemble de célébrations sous le titre de « Décembre: le mois le plus lumineux ». Plus tôt cette semaine des employés du ministère ont dénoncé l'invitation du ministère à célébrer, non pas Noël, mais « à participer à des célébrations dites du solstice d'hiver ».

Joyeux... accommodement raisonnable

Il n'y a pas qu'en Ontario que les autorités craignent de froisser les communautés culturelles.

Au terme de la session parlementaire à Québec, les chefs du Parti libéral et du Parti québécois, Jean Charest et André Boisclair, n'ont pas prononcé l'expression « Joyeux Noël » dans leurs voeux adressés à l'Assemblée nationale.

Il n'y a eu que le chef adéquiste, Mario Dumont, « pour souhaiter aux Québécois « Joyeux Noël » en bonne et due forme », en s'autorisant, disait-il, « un accommodement raisonnable ».

À l'émission C'est bien meilleur le matin, à René Homier-Roy qui lui posait la question, il a répondu: « Il y a vraiment des gens en poste d'autorité dans notre société qui ont perdu le sens du droit d'une population [...] d'avoir son identité, de l'affirmer, sans devoir être accusés de fermeture aux autres. [...] Quand, au nom d'une espèce de fausse égalité, [...] on remet en question des valeurs communes qu'on a insérées dans notre quotidien comme étant incontournables, je pense qu'on perd notre boussole collective. »

Un CLSC accommodant

Le CLSC Thérèse-de-Blainville a mis en place une série d'accommodements pour les membres de la communauté juive hassidique de Boisbriand, selon Le Journal de Montréal. Le coût de ces accommodements force toutefois l'établissement à songer à y mettre un terme.

Ainsi, des infirmières:

se déplacent au domicile de leurs patients les jours de Sabbat parce que les juifs ne peuvent bouger de la maison;

ont dû porter de longues robes et des chemisiers à manches longues, même l'été, pour desservir cette clientèle;

ont dû laisser la place à des infirmiers pour vacciner certains membres de la communauté.

Le Centre de santé et des services sociaux Thérèse-de-Blainville, qui dirige le CLSC, est incapable de chiffrer le coût de ces accommodements, mais convient que le service à domicile, notamment, est beaucoup plus onéreux que le service régulier.

La direction du CLSC soutient que ces services particuliers se sont développés au gré des demandes de la communauté juive. L'institution a répondu, à la pièce, aux demandes de la communauté sans directive claire. Elle a toutefois remis le dossier entre les mains d'un comité de bioéthique, qui étudie la question avant qu'une décision soit prise.