Le printemps érable continue de couler

CA_RichardMartineau

RICHARD MARTINEAU

JOURNAL DE MONTRÉAL, PUBLIÉ LE: VENDREDI 16 AOÛT 2013

Vous pensiez que la crise étudiante de 2012 était morte et enterrée?

Détrompez-vous.

La tempête qui a frappé le Québec l’année dernière fait encore des vagues.

LA PORTE EST OUVERTE

Le 26 juillet, le juge Daniel Bourgeois de la Cour des petites créances a sommé l’Association des étudiants en histoire de l’Université Laval de rembourser les frais de scolarité de Marc-Antoine Dumas.

Étudiant à l’université, M. Dumas alléguait qu’il avait dû abandonner sa session, car les lignes de piquetage mises en place par les carrés rouges l’empêchaient d’entrer dans les salles de cours et d’obtenir les services qu’il avait dûment payés.

Le juge lui a donné raison.

Gageons que cette décision ouvrira la porte à d’autres requêtes du genre, et relancera le débat sur la «judiciarisation» du conflit. Après tout, Marc-Antoine Dumas n’est pas le seul étudiant à avoir dû abandonner sa session. Plusieurs ont dû faire la même chose, à leur corps défendant…

DÉSOBÉISSANCE CIVILE

Dans sa défense, l’Association des étudiants en histoire de l’Université Laval a allégué que la demande de M. Dumas était irrecevable, car les gens qui participaient aux lignes de piquetage lors de la crise n’avaient jamais reçu la consigne «de s’opposer et de menacer physiquement les gens qui voulaient accéder aux cours».

Or, dans une lettre qu’il a envoyée à tous les étudiants le 29 février 2012, Simon Fortin-Dupuis, président de l’Association, encourageait ses membres à «être devant les locaux à piqueter environ 30 minutes avant le début des cours afin de s’assurer que personne n’entre».

Puis, le 25 mars 2012, le comité de mobilisation a envoyé un message affirmant que «la pression sur le gouvernement s’accentue de jour en jour grâce aux actions de désobéissance civile».

À ce que je sache, organiser une ligne de piquetage n’est pas un acte de désobéissance civile…

Mais empêcher physiquement les étudiants de la franchir et d’entrer dans leurs classes en bloquant l’accès avec des tables renversées, oui.

UN DROIT FONDAMENTAL ?

Selon l’Association, Marc-Antoine Dumas ne pouvait se dire victime d’une faute civile étant donné que les étudiants pro-boycott «exerçaient un droit fondamental, soit le droit de grève et de piqueter».

Or, selon le juge Bourgeois, ce moyen de défense ne tient pas la route.

En effet, Marc-Antoine Dumas ne dit pas que les étudiants n’avaient pas le droit de manifester. Il dit qu’ils n’avaient pas le droit de l’empêcher d’entrer en classe pour recevoir ses cours!

Or, comme l’avait déjà affirmé le juge Jean-François Émond dans l’affaire Morasse (un étudiant qui avait porté plainte contre Gabriel Nadeau-Dubois pour outrage au tribunal), «la Loi sur l’accréditation et le financement des associations d’élèves ou d’étudiants ne contient aucune disposition permettant à une association étudiante de forcer un étudiant à boycotter ses cours contre son gré».

L’UNIVERSITÉ POURSUIVIE ?

Cela dit, l’Université Laval et son corps professoral sont aussi fautifs puisqu’ils n’ont pas permis aux élèves qui voulaient suivre leurs cours de le faire en toute sécurité. Ils ont cédé aux menaces des intimidateurs.

Pourraient-ils eux aussi être poursuivis aux petites créances?

Oui, croit le juge Bourgeois.

À quand le prochain épisode de cette tragicomédie?